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Introduction aux Web Workers

Rédigé par Vincent Billey | 6 juillet 2016

Web Workers

JavaScript est un langage qui est basé sur un seul thread. Même un appel AJAX, bien qu’asynchrone, tourne dans le même thread que le reste de l’application. Pendant longtemps, on a reproché à JavaScript cette lacune (au milieu de beaucoup d’autres). Ce n’est plus le cas depuis 2015. Ce slide d’une conférence de Brendan Eich, le créateur du JavaScript, date de 2012 et permet d’illustrer le propos.

Introduction

Avant toutes choses, démystifions un peu ce que les Web Workers ne sont pas.

  • Les Web Workers ne sont pas des Service Workers : c’est l’inverse. Le but d’un Service Worker est d’agir comme un proxy entre le navigateur et l’extérieur, permettant ainsi, entre autres choses, de manipuler un cache et d’avoir une expérience hors ligne agréable. Un Service Worker ne fonctionne cependant qu’en HTTPS pour des raisons de sécurité, ce n’est pas le cas des Web Workers.

  • Les Web Workers ne sont pas fait pour manipuler le DOM. Ce n’est donc pas l’endroit pour modifier votre page ou importer jQuery.

  • Les Web Workers ne sont pas une autre façon de réaliser un appel AJAX.

  • Un Web Worker n’aura pas accès aux fonctions alert ou prompt mais vous pouvez tout à fait utiliser console.log.

En dehors de ça, vous avez accès à la très grande majorité de l’API existante dans le navigateur. Vous pouvez avoir la liste des compatibilités dans cet article sur les fonctions et les classes accessibles aux Web Workers sur MDN.

Un Web Worker est donc une façon d’appeler un script JavaScript qui va s’exécuter dans un Thread différent de celui du script qui le crée. Il est possible pour les deux scripts de communiquer ensemble via l’envoi et la réception de messages. Un Web Worker n’est cependant pas léger et n’est pas à utiliser à tort ou à travers. La création est un processus coûteux, notamment en mémoire. Il peut cependant grandement soulager l’affichage et la mise à jour d’une page web si vous avez à réaliser des calculs complexes ou des opérations régulières qui peuvent ne rien changer à votre page. Typiquement, si vous voulez faire des vérifications régulières sur une API et comparer vos données en cache à vos données affichées pour savoir ce que vous allez modifier, ce peut être une bonne idée d’utiliser un Web Worker.

Cas pratique

Voici le cas d’utilisation le plus simple : un fichier HTML qui crée un worker en appelant le fichier worker.js. Ce worker ne fait que répondre “pong” quand il reçoit un message du script principal ; message émis dès lors qu’on clique sur le bouton “Ping”.

<!DOCTYPE HTML>
<html>
  <head>
    <title>Worker example</title>
  </head>
  <body>
    <button onClick="ping()">Ping</button>
    <script>
      var worker = new Worker('worker.js');
      worker.onmessage = function (event) {
        console.log(event.data);
      }
      var ping = function() {
        worker.postMessage("ping");
      }
    </script>
  </body>
</html>
// worker.js
onmessage = function(event) {
  console.log("message received in the worker");
  postMessage("pong");
}

On est très loin d’utiliser les Web Workers au maximum mais il y a déjà quelques détails importants. Tout d’abord, dans le script principal, on envoie et on s’abonne aux messages en passant par le worker mais ce n’est pas le cas dans le worker qui a directement accès à onmessage et postMessage. Ensuite, on peut constater que le message envoyé à postMessage est transmis au worker ou à son parent au travers d’un objet event dans la propriété data.

Ce message est sérialisé puis décodé et c’est donc une copie qui est transmise. Cela signifie qu’on ne peut envoyer que des messages sérialisables (on ne peut pas envoyer de callback donc) et qu’on ne risque pas de modifier le comportement d’un coté ou de l’autre en agissant sur l’objet que l’on reçoit.

Pour bien comprendre le cycle de vie de ces événements, voici un schéma qui reprend notre exemple :

Un Web Worker doit être détruit explicitement par la commande worker.terminate() depuis le script créateur mais il peut également se terminer lui même s’il a fini sa tâche grâce à la fonction close(). Bien évidemment, il est aussi détruit avec le reste de la page si on ferme l’onglet.

Une autre fonction intéressante est importScripts qui prend en paramètre des fichiers JavaScript à importer au sein du worker. Vous pourriez par exemple utiliser importScripts("data.js", "/vendor/lodash.js"). Le chemin est relatif au domaine de la page en cours et fonctionne de la même façon que pour une image. Si un import venait à ne pas réussir, le reste du code ne serait par contre pas exécuté.

Enfin, il n’y a pas de limite théorique au nombre de workers que vous pouvez créer, un worker peut même en créer de nouveau lui même, mais c’est à vous d’être raisonnable à l’instar des threads dans d’autres langages.

Shared Web Workers

Par défaut, un Web Worker n’est accessible que depuis le script qui l’a créé. Si vous voulez partager un Web Worker entre plusieurs onglets, plusieurs iframes ou plusieurs workers, vous pouvez utiliser new SharedWorker("shared_worker.js"). Chaque “création” de worker dans ce cas sera en réalité un accès à un worker préexistant s’il a déjà été lancé.

Le code d’un Shared Web Worker est un peu différent. Si je reprend l’exemple utilisé plus haut, en voici l’implémentation :

<!DOCTYPE HTML>
<html>
  <head>
    <title>Worker example</title>
  </head>
  <body>
    <button onClick="ping()">Ping</button>
    <script>
      var worker = new SharedWorker('shared_worker.js');
      worker.port.start();
      worker.port.onmessage = function (event) {
        console.log(event.data);
      }
      var ping = function() {
        worker.port.postMessage("ping");
      }
    </script>
  </body>
</html>
// shared_worker.js
onconnect = function(event) {
  var port = event.ports[0];

  port.onmessage = function(event) {
    port.postMessage("pong");
  }
}

Comme un Shared Web Worker est partagé et peut être accessible depuis plusieurs onglets ou workers, il faut y accéder avec port du côté du créateur du worker et récupérer le port depuis l’évènement du coté du worker. En effet, new SharedWorker ne va pas créer directement un worker mais lui assigner un port. C’est l’instruction worker.port.start() qui va explicitement le créer s’il n’existe pas encore (assigner une fonction à worker.port.onmessage va ouvrir le port implicitement mais il n’est pas dommageable de faire les deux). La communication se fait ensuite via le port ouvert et non via le worker directement.

Attention cependant à bien gérer la fermeture d’un Shared Worker. Il existe de la même façon que worker.port.start() une fonction worker.port.close() (la fonction est cette fois la même de chaque coté, pas de terminate) mais il est complexe de savoir si le port d’un Shared Worker est fermé ou non.

Objets transférables

Comme dit plus haut, les données que vous envoyez par le biais de postMessage sont sérialisées pour en envoyer une copie entre les workers. C’est quelque chose qu’on ne peut pas toujours se permettre si on veut réaliser un calcul complexe sur de nombreuses données.

Il y a une possibilité de transférer un objet directement entre un script et un worker. Cet objet sera cependant complètement transféré et le script originel n’y aura plus accès. Cette possibilité n’existe cependant que pour Firefox et Chrome. Vous ne pouvez réaliser cet échange qu’avec des objets qui implémentent l’interface Transferable (à savoir ArrayBuffer et MessagePort).

// Create a 32MB "file" and fill it.
var uInt8Array = new Uint8Array(1024*1024*32); // 32MB
for (var i = 0; i < uInt8Array.length; ++i) {
  uInt8Array[i] = i;
}

console.log(uInt8Array);
// [1, 2, 3, 4, ...]

worker.postMessage(uInt8Array.buffer, [uInt8Array.buffer]);

console.log(uInt8Array);
// []

Comme on peut le voir, uInt8Array après le postMessage est devenu un array vide.

Cependant, si vous en avez la possibilité, vous pourriez directement utiliser un appel AJAX, accéder à des données de localStorage ou tout autre méthode pour obtenir d’importantes données à traiter directement depuis le worker plutôt que de réaliser un tel transfert. N’utilisez cette fonctionnalité que si vous en avez réellement besoin.

Conclusion : en avez-vous besoin ?

Comme toute optimisation, il s’agit d’un compromis. Un Web Worker peut vous aider à atteindre la barre des 60 FPS sur votre site si vous avez certaines opérations qui prennent plus de temps que la dizaine de millisecondes dont vous disposez pour ce palier. Ce n’est pas pour autant une option à utiliser en permanence puisque la communication entre les parties de votre application va se complexifier. L’empreinte mémoire va augmenter du simple fait d’avoir un nouveau Worker ainsi que par la duplication des données transférées entre les workers. Vous pouvez utiliser un objet transférable mais il faudrait pour cela potentiellement plus de mise en place et votre script principal perdra la possibilité d’accéder à ces données.

C’est donc un outil puissant qui peut vous apporter beaucoup mais qui vous demandera de faire attention.

L’équipe Synbioz.

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